« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

mercredi 7 septembre 2011

Le casse-tête des courses... 買い物は難問だなあ

Faire les courses, un vrai casse-tête à Tokyo.

L'approvisionnement en produits frais, surtout fruits et légumes, est encore très local au Japon. De plus, l'automne qui approche est la saison des récoltes des régions septentrionales (Tôhoku signifie nord-est), alors qu'au printemps, les primeurs viennent du sud-ouest comme l'île de Kyûshû.   
J'arrive au supermarché et je vois : tomates de Fukushima, pêches de Fukushima, poires de Fukushima, ... Voir tant de produits issus de ce territoire plus ou moins contaminé (plutôt plus que moins) sur le même étal, c'est très déroutant. C'est étiqueté, c'est déjà ça.

Concombres de Fukushima... 福島の胡瓜
Les autorités ont beau dire que tout est sous contrôle, les Japonais doutent. On doute car chaque semaine voit apparaître son lot de produits chargés x fois plus que la norme maximale : la semaine dernière, du thé de Shizuoka (juste au sud de Tokyo) et de Saitama (juste au nord de Tokyo) ; les semaines précédentes, c'est de la viande contaminée de Fukushima écoulée à bon marché qui s'est retrouvée dans les assiettes des cantines scolaires de Yokohama ; c'est du foin contaminé de Fukushima acheté à bon prix par de peu scrupuleux éleveurs de Hokkaidô (île la plus septentrionale et épargnée) qui a été repéré; là, des épinards, etc, etc. C'est le furet qui est passé par ici et repassera par là.
Les fameuses pêches de Fukushima... 福島の有名な桃
Bref, il semble que le gouvernement ait géré d'une bien maladroite façon la question des récoltes dans cette région agricole, en laissant les paysans cultiver cette année (ils ont en plus remué la terre ce qui rendra la décontamination encore plus ardue) et maintenant ceux-ci doivent bien écouler leurs productions que les autorités nous assurent consommables avec moins de 500 becquerels par kilo (cette norme, élevée, est critiquée par de nombreux spécialistes au Japon). Et d'ici peu, c'est le riz de Fukushima qui va déferler.
Un arrêt de la production, pour cette année au moins, aurait sans doute été plus sage, mais privés de sources de revenus, les agriculteurs auraient dû être indemnisés. 
Cette mesquine économie aboutit à diffusion sur tout le territoire de produits peu fiables voire dangereux pour la santé des enfants, conduit à une méfiance grandissante vis à vis de l'agriculture nationale et du système de contrôle mis en place mais impossible à appliquer à toutes les récoltes.

Poires de Fukushima... 福島の梨
Cette fois encore, la société civile prend les devants. Des groupements d'achats, souvent de productions biologiques, mettent en place leur propre procédure de mesures et ainsi garantissent des paniers sûrs à destination des familles avec enfants, qu'on peut commander par internet. Des coopératives locales réunissant producteurs et consommateurs dans les régions méridionales s'ouvrent aux habitants du nord.
Bref, en recoupant informations et pratiques de diverses personnes, il s'avère qu'il vaut mieux éviter les produits des régions pacifiques, de Shizuoka à Miyagi. Soit une dizaine de préfectures ce qui fait pas mal quand on habite Tokyo. 
Heureusement, l'étiquetage sur la provenance a toujours été précis au Japon, et les préfectures "saines" en profitent pour grossir leurs étiquettes. Cependant, quand on fait les courses, mieux vaut ne pas oublier ses lunettes, avoir un peu de temps et ne plus trop avoir une idée préconçue de ce qu'on va manger.

Aubergines de Fukushima... 福島の茄子
Et au restaurant, c'est sans doute un peu la loterie. Les endroits haut de gamme s'approvisionnent à des sources fiables et le font savoir. Dans un bar chic dimanche soir, chaque plat était présenté avec son lieu d'origine par les serveurs : carottes de Niigata, aubergine de je-ne-sais-plus-où, sans avoir besoin de demander quoi que ce soit. De nouveaux rituels s'instituent, de nouvelles mises en scène s'inventent.

6 commentaires:

  1. Merci d'avoir créé ce blog, Sylvie, c'est une excellente idée. Je pense également, enfin je fais le voeu que, "grâce" à ce qui s'est passé en mars dernier, nos amis japonais vont mettre en place une nouvelle façon de vivre. Lorsque je vivais à Takamatsu, je ne mettais jamais l'air conditionné dans l'appart, juste un peu de ventilateur le soir, et je n'étais jamais malade ! Alors place au bon sens, aux rideaux de verdure (ipomées et autres cucurbitacées) contre la chaleur, et à la créativité. Pour les légumes, il me paraît effectivement plus judicieux de voir du côté des producteurs bio... Plein de bonnes choses à Tokyo...うらやましいです!Sophie.

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  2. Bonjour,

    nous devons nous installer à Tokyo mi-2012 avec 2 enfants en bas age (12 mois et 3 ans), pensez-vous qu'il soit "gérable" de se nourrir en toute sécurité? peut-on manger uniquement de "l'importé"?

    merci par avance

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    1. Bonjour je decouvre votre message. Je suis sur mon iPhone. Je vous réponds demain. Sylvie b

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    2. D'abord en effet, on peut manger des produits d'importation, on trouve tout au Japon, si le portemonnaie suit car bien sur, c'est cher.
      Ensuite, si vous apprenez les noms des départements japonais et leur écriture, tout est bien étiquette donc on peut aussi acheter des produits japonais qui ne viennent pas des régions contaminées.
      Si votre enfant de 3 ans va a l’école maternelle du lycée français, l'approvisionnement est sécurisé semble-t-il. Je leur fait confiance, vous pouvez demander des informations directement a l’école.
      La seule restriction que vous aurez a Tokyo et dans la région, c'est d'eviter d'aller au restaurant car la, on ne sait pas trop ce qu'on mange, sauf dans les lieux de grande qualité mais dans pas dans la multitude des petits resto japonais.
      sylvietokyo@gmail.com

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  3. Bonjour, je vais vivre au Japon et je voudrais connaitre les adresses de magasins bio ou les produits ne sont pas contamines et aussi les adresses des endroits ou nous pouvons trouver des aliments importe et/ou d'autres zones du Japon ou il n'y a pas de contamination. je ne sais pas encore si nous serons a Yokohama ou a Tokyo. Je vous remercie d'avance car j'ai deux enfants et je suis inquiete sur les aliments.

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  4. Réponse à Marion : Les produits sont très bien étiquetés... en japonais donc il vous faudra apprendre les noms des préfectures à éviter.
    Les produits bio ne dispensent pas de lire l'origine des produits car on produit du bio à Fukushima ! Il vous faudra repérer dans votre quartier les magasins de confiance. On s'habitue...

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