« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

Affichage des articles dont le libellé est cerisiers. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est cerisiers. Afficher tous les articles

dimanche 2 mars 2014

Des nouvelles du printemps et un paysage d'hiver... 春便りと冬の風景

Mercredi 26 février, les médias, dont la télévision publique NHK, ont présenté la carte qui prédit l'avancée du front des cerisiers. D'après ces données, la floraison devrait débuter à Tokyo vers le 26 mars. 
Cette carte va maintenant être précisée chaque semaine, suivant les variations météorologiques. Cela pourrait sembler un peu anecdotique mais cet événement saisonnier revêtant une telle importance pour toute la société japonaise sur tout le territoire, la prévision des dates de floraison est une chose extrêmement sérieuse. En effet, les localités doivent préparer et organiser des aménagements provisoires parfois importants, tels que toilettes publiques, poubelles, stands de vente à emporter, éclairages, ... dans chacun des innombrables lieux célèbres pour leurs cerisiers qui vont voir leur fréquentation explosée, depuis le petit jardin public de quartier, jusqu'au site classé par l'Unesco comme patrimoine de l'humanité tels les mont de Yoshino près de Nara. Pendant une semaine, ce sont, dans certains parcs urbains, des centaines de milliers de personnes qui vont venir admirer, déambuler, piqueniquer, boire, se perdre, se retrouver, se photographier, s'exclamer, s'émouvoir, s'en aller pour revenir l'an prochain. 
Il y a quelques années, l'agence de la Météorologie nationale a fait une petite erreur de prévision, rattrapée au dernier moment mais qui a pu entraîner quelques perturbations ; son directeur a fait des excuses publiques pour cette faute dont la cause a été recherchée avec célérité : une donnée erronée introduite dans les calculs.
En hiver, les algues wakame sont récoltées
Les wakame sèchent en plein air, ici sur la plage de Kamakura
La lumière glacée et limpide de l'hiver est en train de changer en une luminosité humide et brumeuse ; une pluie encore froide arrose les jardins, le régime hivernal est en train de laisser la place à celui du printemps.

Entrée d'un temple près de la mer à Kamakura, au sud de Tokyo
Par ailleurs, se préparent aussi les événements commémoratifs de la triple catastrophe du 11 mars 2011. En avant-goût, le 1er mars, a été commémoré, 60 ans après, avec un des survivants devenu activiste antinucléaire plus que jamais énergique à 80 ans, l'accident du Daigo Fukuryû Maru, un bateau de pêche japonais qui fut touché par l'essai d'une bombe H effectué par les Américains dans le Pacifique, près des îles Marshall et de l'atoll de Bikini, le 1er mars 1954. Parmi les 23 membres d'équipage, 15 décédèrent assez rapidement, le chef radio mourant 7 mois après l'accident. Voir dans cet article en anglais du journal Mainichi un portrait de cet ancien pêcheur, Oishi Matashichi, en visite dans les îles Marshall avec des étudiants de l'université de Fukushima dont les familles ont été déplacées à cause de la catastrophe nucléaire. Les populations de ces îles du Pacifique ont elles aussi payés un lourd tribut aux essais atomiques effectués entre 1946 et 1958.

Décidément, le Japon a déjà une histoire longue et tourmentée avec le nucléaire, comme un mauvais karma qui le poursuit, à jamais.
 

mercredi 27 mars 2013

Juste pour le plaisir des yeux, hanami saison 2013... 目の保養のために、平成25年の桜

Quelques images des cerisiers, prises hier 25 mars, dans le quartier de Takinogawa, arrondissement de Kita-ku.
Malgré le jour gris, la lumière des fleurs, hana no hikari 花の光 illumine le paysage.





Aujourd'hui, il pleut et les fleurs vont tomber.

Fleurs de cerisier
A cette heure sont épanouies
Me dit-on certes
Mais quelle tristesse
De n'être point avec vous ! 
Poème du Manyôshû, IXe siècle


mardi 19 mars 2013

Cerisier pleureur en fleurs, début de hanami... しだれ桜の開花

Cerisier pleureur... 枝垂桜
Chaque année, en d'innombrables lieux, la floraison des cerisiers ré-enchante la ville.
Hanami, c'est fêter l'arrivée du printemps et les promesses d'un nouveau cycle annuel qui commence, c'est profiter de la beauté et de la profusion des fleurs, éphémères, c'est donc aussi rester conscient de l'impermanence de ce monde, mais c'est avant tout une occasion de se réjouir à ne pas manquer.

Entrée d'un petit temple dans le quartier de Waseda
Tous les ans, ce sont les cerisiers pleureurs qui ouvrent les festivités. Temps splendide à Tokyo depuis le début du mois de mars, ce qui a activé les bourgeons et anticipé toutes les prévisions.

Depuis hier soir, lundi 18 mars, une panne de courant, dont la raison est inconnue, a stoppé le système de refroidissement des 3 piscines contenant des barres de combustibles nucléaires usagées.
La plus chargée des piscines, celle en équilibre précaire du réacteur n°4, supporterait de n'être pas refroidie pendant 4 jours, les deux autres un peu plus longtemps semble-t-il.

Avons-nous encore besoin des cerisiers pour nous rappeler l'infinie précarité de notre monde ? 

Mise à jour le 20 mars au matin : hier soir vers minuit, le courant a été rétabli et a permis aux systèmes de refroidissement des 3 piscines de redémarrer. La coupure aura duré 29 heures.
Le chef de cabinet du Premier ministre, Suga Yoshihide, nous avait bien dit qu'"il n'y avait aucune raison de s'inquiéter."
Malgré tout,la nouvelle agence de sécurité japonaise, Nuclear Regulation Authority, créée après la catastrophe de Fukushima et qui fait plutôt bien son boulot, a vivement critiqué Tepco qui a attendu plusieurs heures avant de signaler ce problème majeur. 

Mise à jour le 20 mars au soir : c'est une "petite bête" (une souris, un mulot) qui est la cause de la panne d'électricité. La sécurité nucléaire tient à peu de chose...Des souris et des atomes.

mercredi 9 mai 2012

Sayonara ?... さよなら原発 ?

Samedi 5 mai, entre 17h et 23h, le dernier réacteur nucléaire encore en activité au Japon, sur 54, s'est arrêté pour une maintenance prévue. Il se trouve sur l'île septentrionale de Hokkaidô, à Tomari, site bien nommé car écrit avec d'autres caractères mais homophone, tomari peut s'entendre arrêt. Peut-être est-ce prémonitoire d'un arrêt définitif du nucléaire au Japon ?
La chute des fleurs, le 13 avril, parc Sumida, 隅田公園
Donc pour la première fois depuis 1970, le Japon vit sans énergie d'origine atomique. Une sortie du nucléaire en 14 mois à peine, que beaucoup voudraient voir entérinée ; mais d'autres forces essaient de persuader de remettre en route au plus vite deux réacteurs qui seraient déjà testés et "sécurisés".
Quoi qu'il en soit, le redémarrage d'une centrale ne sera pas pour cet été. Rien n'est gagné ni d'un côté ni de l'autre. La lutte est serrée.
La chute des fleurs, le 13 avril, parc Sumida, 隅田公園
Samedi, quatre manifestations se sont déroulées en divers lieux symboliques de la capitale, par exemple devant le ministère de l’Économie.
En cette fin de dimanche après-midi, j'écoute à la radio, sur une station FM équivalente à France Musique, un programme de musique contemporaine avec une œuvre d'un compositeur russe inspirée par Tchernobyl. Une façon de faire passer un message. Je ne comprends pas bien quand on dit qu'au Japon, on ne parle pas de ce qu'il se passe, au contraire j'ai l'impression d'une imprégnation continue.
Dernier hanami, le 13 avril, parc Sumida, 隅田公園
Le journal Mainichi publie aujourd'hui un article  (en anglais) après un entretien avec Hamazaki Katsushige, 80 ans, premier ingénieur japonais diplômé dans le domaine de l'énergie nucléaire. 
En 1954, Hamazaki tomba sur un article dans un magazine qui parlait de cette nouvelle technologie pour produire de l'électricité que les USA, l'URSS et des pays européens étaient en train de développer. Il pensa que ce serait formidable pour le Japon, alors à l'amorce de sa période de haute croissance économique, et dépourvu de ressources énergétiques fossiles. De retour au Japon après des études au Royaume-Uni, il intégra en 1959 Chûbu Electric Power Co et travailla à partir de 1963 à la mise en route d'un réacteur livré par les Américains de General Electric, dans la préfecture de Fukui. La mise au point avant le démarrage fut lente et laborieuse mais "Je ne me sentais jamais fatigué car j'étais rempli du sentiment de soutenir le développement économique du Japon." dit-il. Il se souvient du moment où "la lumière de l'énergie atomique" arriva, du soleil levant sur la baie de Tsuruga à ce moment-là, des cris de joie, des banzai, des vivats que tous lançaient. 
Le même jour, se rappelle-t-il, ouvrait l'Exposition Universelle de Osaka, un événement majeur du Japon de l'après-guerre. Le thème en était "Progrès et harmonie pour l’humanité" et plus de 64 millions de personnes la visitèrent.
Par la suite, Hamazaki devint vice-président de Japan Atomic Power Co où il finit sa brillante carrière.
Dernier hanami, le 13 avril, le long de la Sumida, 隅田川にそって
En mars 2011, quelque 40 ans après le démarrage grandiose la centrale de Tsuruga, devant les images des bâtiments de la centrale n°1 de Fukushima, dévastés par les explosions après le séisme et le tsunami, Hamazaki est anéanti. "Je me suis senti précipité dans un abîme." dit-il. Les protections à multiples facettes dont il pensait qu'elles assureraient une "sécurité absolue" (sic) ont été si facilement balayées. 
Il conclut : "Ce 5 mai, c'est un jour où le peuple japonais doit reconsidérer sa politique énergétique, et cela comprend de revoir nos modes de vie".
Dernier hanami, le 13 avril, le long de la Sumida, 隅田川にそって
Une amie française, croisée ces jours-ci, prenant un air tragique, me déclare : "Ce n'est plus le même pays." Certes, mais écoutons Friedrich Hölderlin et envisageons avec lui que "là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve".













  

jeudi 3 mai 2012

D'où vient hanami ?... 花見とは


Lorsque Tokugawa Ieyasu choisit le site de Edo en 1590 pour installer le siège de son fief, la cité n'est qu’un petit port de pêche sous un vieux château. Son choix, déterminé par des critères objectifs et modernes, anticipe un développement urbain à venir. Sa vision se confirme puisque Edo est la plus grande ville du monde dès le XVIIIe siècle, avec un million et demi d'habitants (quand Paris ou Londres comptent environ 500 000 habitants ; et Edo devenu Tokyo en 1868 n'arrêtera pas sa croissance), mais le site manque d’une assise historique et culturelle capable d’enraciner la légitimité du pouvoir militaire du shogun instauré à partir de 1603. Bref, ni Edo, ni la dynastie des Tokugawa n'ont une longue généalogie à afficher.
Parc Ueno en avril... 上野公園
Au tout début de l’époque Edo, en 1624, le troisième shogun, Tokugawa Iemitsu décide, d’après un rêve et les conseils d’un moine, de faire construire sur le site de Ueno un vaste temple bouddhique pour assurer la protection de la ville. Ueno se trouve à la limite nord-est de la ville, dite kimon, « porte des démons », direction considérée néfaste. Le premier des édifices bouddhiques construits, Tôeizan Kan’ei-ji, prend la fonction importante de borne protectrice de la ville, et devient le temple tutélaire des Tokugawa. Son implantation inscrit la cité selon les principes d’origine chinoise du feng shui (fûsui, en japonais, « vent et eau »), garants de prospérité. Les règles du fûsui avait déterminé le choix des sites et les tracés des précédentes capitales, Nara, Kyoto, ou de Kamakura, mais n'ont pas été prises en compte à Edo. (Ce qui est bien commode avec le fûsui, c'est qu'on peut toujours s'arranger après coup.)
Certains gardent la place jusqu'au soir, préparent la fête, en attendant les collègues de travail
Autre référence importante, la colline boisée et l’étang de Ueno sont vus comme, en miniature, le lac Biwa dominé par le mont Hiei, sites célèbres proches de Kyoto, la capitale impériale. Le premier temple construit à Ueno est d'ailleurs affilié à un très important monastère du mont Hiei, situé lui aussi au nord-est de la ville, prodiguant protection à la ville et éducation aux princes impériaux.
Par le recours à la valeur mythique des lieux, Iemitsu continue son entreprise de transfert symbolique en faisant  transplanter en grand nombre, sur la colline de Ueno, des cerisiers provenant de Yoshino, site sacré et des plus célèbres, proche des anciennes capitales Nara et Kyoto, et lié également à la famille impériale. 
Parc Ueno, l'allée au milieu de l'étang... 不忍池
La vaste entreprise de construction du paysage de Ueno, avec ses bois de cerisiers et ses temples, énonce que quelque chose d’important commence. L’objectif de cette greffe de meisho, sites célèbres par leur histoire et leur paysage, est de créer un mythe fondateur et des liens symboliques. La transposition de lieux riches d'historicité liés aux capitales impériales (Nara, Kyoto, Yoshino...) dote d’une épaisseur culturelle Edo, nouvelle capitale politique sans grand passé, quasi neuve. 
Par cette scénographie paysagère, le shogounat tente d’enraciner la légitimité de son pouvoir et de renforcer sa souveraineté. La production de ce paysage politique, dans un lieu spécifique qui dépasse l’échelle locale, d’abord participe à la mise en place d’un pouvoir fort et centralisé et puis doit l’incarner. Construire, planter et nommer ont des rôles complémentaires et en miroir. 
Parc Ueno... 上野公園
Mais les choses évoluent un peu différemment. Ueno, par son appropriation populaire, est aussi un espace d’innovation en devenant rapidement l’endroit le plus fameux pour admirer les cerisiers en fleurs. L’engouement des visiteurs transforme en véritable manifestation populaire hanami, qui signifie « voir les fleurs », mais plus spécifiquement celles de cerisiers. 
Dans le creuset de la ville d’Edo, les rites sacrés de la campagne et la culture esthétique issue de l'aristocratie ont fusionné dans des pratiques populaires aux significations renouvelées, dont hanami est le modèle original. « Faire hanami » suivant l’expression japonaise, c’est fêter le renouveau du printemps, les promesses d’une année fertile qui commence, c’est aussi jouir de la profusion explosive et de la beauté éphémère des fleurs tout en restant conscient de la fragilité de ce monde, donc de notre précaire condition. C’est d’abord une occasion de faire la fête à ne pas manquer. Le peuple d’Edo a ajouté un sens hédoniste à ce qui était à l’origine un rituel agraire (rites de fertilité, d'accueil de divinités et d'observation des bourgeons pour prévoir le calendrier agricole) puis une pratique sociale de cour liée à la composition poétique, et qui devient à Edo, d'abord sur la colline de Ueno, une célébration populaire et collective accompagnant le déploiement d'un nouveau paysage urbain.
Parc Ueno... 上野公園
Fêter les fleurs de cerisiers et le printemps peu prendre une tournure subversive en un tel lieu symbolique, le shogounat ne s'y trompe pas, qui tente d'interdire, en vain, ou l'alcool, ou les déguisements, ou la musique, ou les tenues féminines trop voyantes.

Ueno est ainsi décrit : « Les cerisiers au printemps, les fleurs de lotus en été, la pleine lune à l’automne, la neige en hiver. » A Ueno, le peuple d’Edo non seulement prend plaisir à profiter de la floraison des cerisiers au printemps, mais aussi des fleurs de lotus qui couvrent l’étang en été, à contempler la pleine lune qui s’y reflète en automne et à s’émerveiller du paysage enneigé en hiver. Des échoppes vendant de la nourriture ou des souvenirs, des maisons de thé apparaissent au bord de l’étang. Ces promenades sont fréquentées tout le long de l’année selon un calendrier reflétant le rythme de la nature, et diverses pratiques, pas aussi déférentes à l’égard du pouvoir que n’aurait souhaité le shogounat, s'y sont diffusées. 
Et Ueno reste le hot spot de Tokyo lors de la hanami, même si les cerisiers fleurissent partout dans la ville, le long des canaux, au détour d'une rue, et ne sont pas limités à quelques parcs ou lieux célèbres.  

Jardin du Musée national à Ueno... 東京国立博物館の庭園
A l'entrée du parc, deux syndicalistes des chemins de fer font signer une pétition contre la reprise des centrales nucléaires, profitant de la venue de milliers de visiteurs.


dimanche 22 avril 2012

Les cerisiers : c'est la rentrée... 新学年の開始

Le moment de la floraison des cerisiers, vers le premier avril, a une importante signification collective au Japon, celle de la rentrée. 
En effet, pour les élèves et les étudiants, c'est la rentrée des classes et le début d'une nouvelle année académique ; pour le monde du baseball et la Chambre des représentants, c'est la reprise du championnat et des sessions parlementaires ; à la télévision, c'est le début d'une grille de programmes rénovée avec des présentateurs et des décors rénovés aussi ; dans les entreprises, c'est le commencement d'un nouvel exercice budgétaire et le premier jour de travail pour les jeunes recrues. 
Ce calendrier de rentrée, généralisé à toutes les activités, est unique dans l'hémisphère nord. 
Université Waseda... 早稲田大学
Donc pour moi aussi, c'est la rentrée avec de nouveaux étudiants qui ont en général autour de vingt ans. Lors des premières classes, pour les connaître un peu, j'aime bien discuter avec eux des raisons de leurs choix de cours, de leurs centres d'intérêt, de ce qu'ils aiment faire en dehors de l'université. Je leur demande de résumer tout cela dans une petite note où ils ajoutent deux ou trois choses qu'ils aimeraient faire dans leur vie. 
Cette année, plusieurs ont répondu : "Je souhaite vivre longtemps et en bonne santé." C'est la première fois qu'une telle réponse apparaît ! Comme si cela n'allait pas tout à fait de soi...
Jardin Ôkuma, université Waseda... 早稲田大学の大隈庭園
L'université Waseda, où j'ai grand plaisir à travailler, possède un jardin de 3,3 hectares sur son campus principal. C'était à l'origine le jardin d'agrément de la résidence d'un daimyô, puissant seigneur vassal direct du shogun à l'époque Edo (1603-1867). Il est de la forme classique à cette période, avec un étang entouré de sentiers qui permettent plusieurs promenades et offrent une succession de vues et d'ambiances variées grâce à une colline, des arbres et des végétaux très divers, des rochers, des lanternes, des pierres gravées, ...
Jardin Ôkuma, université Waseda... 早稲田大学の 大隈庭園
Le fondateur de l'université, Ôkuma Shigenobu (1838-1822) fut un homme politique important, plusieurs fois premier ministre, pendant l'ère de la modernisation du Japon sur le modèle occidental à partir de 1868. Il fonda l'université en 1882 sur des domaines qu'il avait rachetés, et il établit sa résidence personnelle dans celle de ce daimyô. Il remodela le jardin dans le style hybride propre à cette époque, mêlant éléments japonais et occidentaux, avec en tête l'image du jardin de lettré de Kyoto. Il introduisit une pelouse centrale, élément occidental donc vecteur de modernité, qui permet aux étudiants, maintenant que le jardin est ouvert au public, de profiter des beaux jours. Entièrement incendié pendant la guerre, ce jardin bénéficia d'une restauration proche de son état avant destruction.
和洋四条家風の大隈庭園

Ce ne sont pas seulement les étudiants qui viennent s'y délasser puisque ce lieu, comme le reste du campus, est ouvert sur la ville et le quartier. Certains y viennent de loin pour faire une visite culturelle, aussi bien que les puéricultrices de la crèche proche qui s'y promènent avec les tout petits, ou les gosses du quartier à la pêche aux écrevisses. Qu'ils puissent vivre longtemps et en bonne santé !

samedi 14 avril 2012

Enfin les cerisiers (1)...とうとう桜は咲いた

En ce printemps tardif, samedi dernier 7 avril, enfin est advenue la pleine floraison des cerisiers à Tokyo.
Quelques jours auparavant, l'Agence nationale de la météorologie 気象庁, qui s'occupe aussi de détecter et annoncer séismes et tsunami (pas de la rigolade), avait annoncé le début de la floraison, ce qui donne lieu à un communiqué officiel lorsque dix fleurs de cerisiers sont observées dans un lieu témoin, en l’occurrence le controversé sanctuaire Yasukuni.
Une des premières cartes de prévision avec les fronts isochrones de la floraison des cerisiers, publiée le 29 février 2012. De telles cartes sont ensuite mises à jour toutes les semaines et diffusées par tous les médias

Une telle précision dans la prévision et l'annonce n'est ni anecdotique, ni futile, ni ne relève de la procédure obsessionnelle, mais elle est nécessaire d'abord pour une bonne gestion des espaces publics.
Parc Koganei... 小金井公園

Certains lieux des grandes villes ou sites célèbres pour leurs cerisiers en pleine nature vont recevoir l'espace d'une semaine des centaines de milliers, voire des millions de visiteurs. D'où les mesures que les services municipaux doivent prendre : aménager des points de collectes des déchets, des toilettes publiques, installer des lampions, organiser la location des stands forains qui vont vendre brochettes, nouilles sautées, boissons, ... De plus, nombre de personnes projettent une excursion vers tel ou tel site renommé tandis que les hôteliers et agences de voyages ajustent leurs offres et grilles de tarifs.
桜は七日, les cerisiers, c'est sept jours, dit le proverbe, il ne faut donc pas passer à côté de ce bref instant jaculatoire.
Parc Ueno, huit poubelles pour le tri des déchets... 上野公園のゴミ箱

Il y a trois ou quatre ans, l'Agence nationale de la météorologie s'est trompée dans sa prévision, établie par calcul informatique, annonçant les fleurs avec un peu d'avance. Bien sûr, chacun pouvait vérifier l'état d'avancement de la nature par soi-même mais après rectification, vus les enjeux collectifs, le directeur de l'Agence vint faire des excuses publiques retransmises au journal télévisé. On ne badine pas avec les responsabilités au Japon en général, et encore moins avec les fleurs de cerisiers. Rassurez-vous, il ne s'est pas fait seppuku mais l'incident était digne d'être relevé.
Vendeur de nouilles ambulant, parc Ueno. Ces mini-restaurants ambulants, yatai, ont fasciné Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food, lors de sa venue au Japon... 上野公園の屋台

A Tokyo, quand arrive fin mars, début avril, une fébrilité s'empare de la ville, une attente de ce moment aussi intense qu'éphémère, hanami, qui signifie littéralement regarder les fleurs, plus spécifiquement, jouir de la floraison des cerisiers. 
(à suivre)
Chien Hachiko, lieu de rendez-vous à Shibuya, sous un cerisier... ハチコの花見

mercredi 11 avril 2012

Drôle de hanami... 変な花見

Étrange vue des cerisiers en fleurs, devant le ministère des Armées d’autodéfense japonais, à Shinjuku, en plein Tokyo : les rampes de lancement antimissiles installées en prévention du tir d'une fusée nord-coréenne prévu le 14 avril.
Les intentions de ce tir étant peu claires et perçues comme menaçantes, toutes les précautions sont prises, bien en vue.
北朝鮮によるミサイル発射の通告期間に入る中、グラウンドで発射態勢が整ったPAC3=東京都新宿区の防衛省で Photo journal Mainichi
Après les tremblements de terre, tsunami, typhons et tempêtes, voici le temps des missiles, c'est vrai qu'on commençait à s'ennuyer un peu. D'ici peu, ce ne sont pas seulement les pétales des cerisiers qui vont peut-être nous tomber sur la tête.
PS : la fusée a été tirée ce matin 13 avril vers 7 heures (heure japonaise), et elle s'est abimée en mer entre la Corée du nord et la Chine, à l'ouest de la péninsule coréenne, après 81 secondes de vol. Rien pour nous.