« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

mardi 13 septembre 2011

Concentration urbaine=danger... 都市集中=危険

Kyoto, capitale impériale de la fin du VIIIe siècle jusqu'à 1868 semble donc figée dans sa bulle, curseur arrêté sur la position "Japon éternel". Kyoto n'est pas au bord de la mer, donc à l'abri des tsunami ou des hautes marées lors de tempêtes. Entouré de montagnes, le bassin qui accueille la ville est aussi mieux protégé des typhons. Et sa longue histoire documentée montre que la ville a été relativement épargnée par les séismes, surtout pendant la période moderne. Même les bombardements américains l'ont épargnée au nom de sa richesse patrimoniale.
Byôdô-in... 平等院


Organisée suivant les préceptes du fûsui 風水 (fengshui en chinois) qui enrichit de significations symboliques les principes les plus sensés concernant l'emplacement de la ville, l'orientation et l'implantation des rues et des bâtiments, sa pérennité tranquille confirme la pertinence du choix du site effectué il y a plus de mille ans.
Pendant l'époque d'Edo (1603-1867), avec la fondation d'un nouveau centre politique sur le site d'Edo (renommé Tokyo, Capitale de l'est, en 1868) élu par le pouvoir shogunal suivant des critères très modernes, le territoire à large échelle s'est développé de façon multipolaire. La capitale historique, siège du palais impérial et de la vie culturelle de la cour, garante de la fonction symbolique, demeurait toujours Kyoto ; la capitale politique était Edo au nord-est avec le Bakufu, siège des shogun ; et un pôle économique et commercial situé à Osaka, par la suite concurrencé par Edo, restait très actif.
Byôdô-in, sortie du musée des Trésors du temple,... 平等院ミュージアム鳳翔館の出口 



A partir de l'ère de Meiji (1868-1912), Tokyo désigné comme capitale de l'état-nation naissant va concentrer tous les pouvoirs, avec l'installation de l'empereur, des ministères et des parlements, et aussi de la bourse, des banques, des grandes compagnies et de nombreuses universités. 
Cette concentration s'est accentuée toujours davantage, puisque nombre d'entreprises nées dans le Kansai, la région d'Osaka, ont finalement transféré leur siège principal à Tokyo. On a pris l'habitude de dire que le problème d'Osaka, ville considérée en déclin, c'est Tokyo. Les urbanistes considèrent Osaka comme exemplaire du phénomène de shrinking city, rétraction urbaine (en japonais シュリンキング・シティ ou 都市の縮小) : désindustrialisation, vieillissement de la population, appauvrissement.

Le 11 mars 2011 a changé la donne. Il est apparu criant que la concentration hypertrophique de Tokyo agglomérant tous les centres de pouvoirs, fragilise voire condamne le pays entier. Kan Naoto, le premier ministre qui vient de démissionner, explique dans une interview édifiante qu'il a dû rattraper par le fond de la culotte les dirigeants de Tepco sur le point d'abandonner leur navire en train de sombrer. Il a vu la perspective de devoir faire évacuer l'agglomération de Tokyo, soit 32 millions de personnes, ce dont le pays ne se serait pas remis, dit-il.
Depuis le deuxième trimestre de l'année, pour la première fois le solde migratoire est positif en faveur d'Osaka vis à vis de Tokyo. Des entreprises sont déjà en train de relocaliser leur siège dans le Kansai. Est-ce le début d'un retour à une conjoncture territoriale plus équilibrée et plus sage ? Un chantier est ouvert aussi sur ce front-là.

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