« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

lundi 27 août 2012

Traces du Japon sur le Tour de France... ツール・ド・フランスにある日本の跡

Dans la montée du col de la Madeleine, grande étape alpestre du Tour de France, la route garde le souvenir du passage de Arashiro Yukiya 新城幸也, traces laissées par quelques supporteurs.
Né en 1984 à Ishigaki, petite île de Okinawa à l'extrême sud du Japon, il est le premier coureur japonais à avoir terminé le Tour de France en 2009 et il a fini l'édition 2012 à la 89e place.
Puis en août, il a enchaîné en gagnant le Tour du Limousin !


"Contrairement à ce qui se passe lorsque je suis en voiture , où le paysage se donne à voir et pas à être, à vélo je suis assis dedans." 
 Paul Fournel, écrivain français (1947-),,Besoin de vélo (2001).

mardi 14 août 2012

Le tri des ordures à Tokyo, cauchemar des étrangers ? ... 東京でごみの分け方は外人の悪夢ですか?

Vendredi 8 août, je tombe un peu avant 7h du matin sur une chronique de France-Inter, L'actu loin de chez vous, consacrée ce matin-là au tri des déchets au Japon. Avec en direct de Tokyo, le directeur du bureau de l'AFP, Jacques Lhuillerie qui commente une note qu'il vient de  publier à ce sujet dans un blog de l'AFP, Making-of, les coulisses de l'information. Son billet est intitulé Moi et mes ordures: le cauchemar du "gaïjin".
Intriguée et intéressée, je tends l'oreille. Donc le tri des ordures à Tokyo serait "un casse-tête chinois", "un art exigeant et impitoyable, une "cérémonie" qui revient comme un mauvais rêve et peut carrément tourner au cauchemar pour le "gaijin" (l'étranger)".
Pourquoi cette situation cauchemardesque ? parce qu'au Japon on trie pour effectivement recycler alors que :
"le "tri sélectif" des ordures ménagères en Europe ? Une rigolade, Une promenade de santé, expédiée en deux temps trois mouvements: on jette un peu n’importe comment, et ils ramassent!"
Avignon, le 3 août 2012, ILS ramassent, les cartons avec les ordures ménagères... アヴィニョンのごみ収集、ダンボールと燃えるごみを全部まとめること
Sans doute un aveu du comportement de l'auteur mais ni tous les Européens, ni même tous les Français n'agissent ainsi. En tout cas, le chemin va encore être long pour arriver à un résultat probant en France en matière de recyclage. Bon courage ! Je comprends pourquoi la ville de Paris est obligée de faire des campagnes, non pas pour un tri intelligent mais pour demander aux habitants de ne pas balancer leur frigo dans la rue !


Campagne de la ville de Paris "Paris est notre environnement, protégeons-le !"... パリ市のキャンペーン「パリは私達の環境ですので守りましょう」
Pour le journaliste de l'AFP, ce qui ajoute un effet infernal à la complexité du tri au Japon, c'est que les éboueurs sont d'impitoyables contrôleurs, assistés dans cette tâche par les voisins qui n'ont rien de mieux à faire que de vérifier le contenu des sacs poubelles.
"Alors la première fois que j'ai déposé un sac devant chez moi avant de partir prendre le métro pour aller au bureau, non sans avoir vérifié que c'était bien LE jour pour CES déchets, j'étais aussi anxieux qu'en rendant ma copie après une interrogation de maths (...) Et le soir, durant tout le trajet du retour de Ginza (le quartier du bureau) jusqu'à Roppongi (mon quartier), une question obsédante me taraudait, le bout des doigts coincé entre les dents: ont-ils pris mon sac ? Ai-je raté mon examen de passage, mon rite initiatique obligatoire? Aurai-je un mot infâmant dans ma boîte ? 20 minutes à pied (...) Et là: plus de sac. Yessss! Jamais je n'aurais cru qu'une jour dans ma vie la  disparition d'un sac poubelle m'aurait procuré une telle joie, une si profonde satisfaction, idiotes de surcroît."
Pourquoi est-ce idiot d'être satisfait de respecter les règles du pays où l'on vit ? de participer à un effort collectif en matière de tri afin de récupérer des matières premières ? Car c'est ainsi que sont nommés les déchets recyclables.

On a compris, le billet use d'un ton volontairement très excessif et ironique pour faire rire, mais il véhicule en même temps pas mal d'idées et de stéréotypes lourdingues, même déplaisants : la société japonaise vit dans l'auto-contrôle, voire l'auto-flicage, (les "éboueurs-contrôleurs", le voisinage prêt à dénoncer), le Japon est surpeuplé d'où ces règles tatillonnes et débiles pour gérer au mieux les déchets et le reste.

Dans la pratique, c'est très simple. Le ramassage des déchets recyclables se fait une fois par semaine et concerne principalement le papier et le carton, le verre, le métal (canettes et boîtes) et les emballages en plastique propres (bouteilles, barquettes par exemple). Le reste est collecté deux fois par semaines. Et depuis quelques années, les incinérateurs de Tokyo sont capables d'ingurgiter tous les plastiques et toutes les matières sans produire de dioxine donc si on ne veut pas faire d'effort... on peut même tout jeter ensemble ! 

Juste une recommandation à M. Lhuillerie : laisser tomber l'aspirine, prendre une bière bien fraîche et lire Le Japon, idées reçues de Philippe Pelletier, Le cavalier bleu éditions, 2008 et réédité en 2012.


Le tri des déchets lors de hanami, fête des cerisiers, pour s'entraîner d'ici au printemps prochain... 来年の春までに花見のごみの分け方を練習しましょう



vendredi 3 août 2012

Avignon recrute un Directeur de la culture... アヴィニョンを通って行って

En ce début du mois d'août, de passage à Avignon, je feuillette un hebdomadaire culturel et je tombe par hasard sur cette annonce publique :

La Ville d'Avignon recrute pour son Département des Affaires Culturelles
Un Directeur de la culture (h/f)
Porte de la Maison Jean Vilar avec l'affiche commémorant le centenaire de sa naissance en 1912

La coïncidence pique ma curiosité et me fait entreprendre la lecture de l'annonce qui débute ainsi :
La ville d'Avignon est une ville d'exception en matière culturelle en raison de la richesse de son patrimoine historique et culturel mais aussi en raison de la présence sur Avignon de diverses entités de qualité, dédiées à la promotion, la diffusion et le développement des arts et du spectacle vivant. (sic)

Après cette élégante phrase introductive, la suite de l'annonce énumère en sept points la liste des tâches dévolues au futur directeur. On y parle de mission, d'élaboration (2 fois), de direction (2 fois), d'action culturelle (2 fois), d'organisation, d'évaluation, d'impulsion, de coordination, d'animation, de participation, de définition, de supervision, de gestion, de promotion ; sans oublier le renouvellement et le développement, le pilotage (3 fois) et les partenariats, la politique et la stratégie.

La une de Vaucluse-Matin du 3 août : Retour aux sources à la Fontaine de Vaucluse (connaissance de l'environnement territorial)

Puis, en une seule et même phrase (12 lignes dans l'annonce), la conclusion décrit le profil attendu :
De formation supérieure en politique culturelle ou/et expérience indispensable d'une direction des Affaires culturelles d'une commune de strate équivalente ou d'une direction d'établissements culturels d'envergure équivalente, vous avez une expérience significative en pilotage de la conduite de politique culturelle et de projets à un niveau stratégique, une expérience en management d'équipes pluridisciplinaires, une connaissance de l'environnement territorial et parfaite maîtrise des cadres réglementaires administratifs et RH, financiers et de la commande publique, une parfaite connaissance des institutions culturelles, et êtes doté d'une grande disponibilité. (resic)
Que penser de l'inanité d'une telle annonce ? Que dire de cette caricature de jargon administratif et de novlangue managériale ? Que déduire de l'indigence du contenu et de l'incorrection de la forme ?

Vitrine de la librairie "La mémoire du monde" : Artistes Sociétés Territoires ; Culture ou mise en condition ? Les Défiguratifs ou le Monstre dans l'Art. Bien vu, à envoyer à la mairie.
Soit les services administratifs avignonnais sont d'une grande médiocrité et auraient intérêt à profiter de ce recrutement pour aussi enrôler un rédacteur (h/f) qualifié. Soit la ville se contrefiche de cette annonce - pure obligation - car elle a déjà son candidat pressenti. L'un n'empêchant pas l'autre.

Mais enfin, lorsqu'on se présente soi-même comme "une ville d'exception en matière culturelle", ça la fiche un peu mal.

Plan du centre historique d'Avignon représenté comme une île détachée du reste de la ville (les trois-quart de la commune) qui n'existe pas, même pas amorcé.  
"En désespoir de cause nous nous étions dirigés à l'intérieur de la ville, et plus nous progressions à l'intérieur de cette ville, plus les quartiers étaient délabrés et pauvres. La société française et le territoire français ne sont qu'une vitrine, pensai-je."
Christophe Pellet, La Conférence (2008)