« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

jeudi 22 septembre 2011

J'y étais aussi... 私もいました


Moi aussi, j'étais là, parmi les 20 000-selon-la-police-60 000-selon-les-organisateurs. En fait, la police devant le ridicule de son estimation a finalement, au lendemain de la manifestation, renoncé à donner un chiffre.

Effet graphique avec les idéogrammes... 漢字のグラフィックデザイン

Lundi 19 septembre, jour férié en l'honneur des anciens, était organisée une manifestation à l'appel de nombreuses personnalités dont le prix Nobel de littérature Oe Kenzaburô ou le musicien Sakamoto Ryûichi. 
Le mot d'ordre : 50 000 personnes pour dire au revoir au nucléaire. Les médias qui n'ont cessé de survoler le rassemblement avec leurs hélicoptères confirment que l'objectif a été dépassé. Comme dit un participant, au Japon, on est long à démarrer mais quand on s'y met...
J'y suis donc allée, pour apporter mon modeste soutien et aussi ressentir l'ambiance, saisir des indices sur les mouvements profonds qui travaillent la société japonaise en ce moment. Entre deux typhons, sous un ciel plombé et une chaleur lourde sans le moindre souffle d'air, le rassemblement avait lieu dans le parc Meiji. La ville de Tokyo ne possède pas de véritable place, les espaces ouverts y sont rares. La culture de la manifestation publique a donc des difficultés à s'y déployer.
A l'entrée du parc Meiji... 明治公園の入り口

Depuis l'inauguration à Tokyo de Hibiya kôen en 1903, premier parc public du Japon, pourvu d'une vaste esplanade enherbée, les manifestants ont pris l'habitude de se regrouper dans les parcs publics. Ils réitèrent ainsi un événement fondateur lorsque des opposants à la signature du traité de paix nippo-russe en 1905, jugé défavorable au Japon alors que celui-ci venait de mettre une pâtée aux armées du tsar à Port-Arthur, ont rallié le parc Hibiya. Ce premier rassemblement moderne avait dégénéré en violente émeute. Ce parc a été plus tard le cadre des affrontements récurrents entre étudiants et policiers durant les années 1960. Et de façon rituelle aujourd'hui, les parcs accueillent les rassemblements du premier mai. 
Repos sous les arbres... 木の下で一休み

Lundi dernier, du parc Meiji plein à craquer, sont partis trois défilés dans des directions différentes, d'abord bien canalisés par la police et ses cordes. Pas question de laisser envahir la chaussée. On a le droit de manifester, d'accord, mais ça n'est pas une raison pour perturber le trafic. Donc on défile sur les trottoirs, ou bien sur une moitié de la chaussée, en s'arrêtant aux feux rouges avant de traverser. Mais lundi, la police a dû remballer assez vite son matériel et ses prétentions de mise au pas, pour se résigner à laisser la chaussée entièrement envahie, signe de réussite incontestable. 
Éventail porte-slogan (Good bye les centrales nucléaires), avec un motif végétal de saison... 
スローガンと季節の模様が付いている団扇

L'âge moyen des participants, autant de femmes que d'hommes, est plutôt élevée, aux alentours de 60 ans. Peu de très jeunes, style étudiants ; quelques trentenaires, visiblement des artistes, des musiciens. Parmi les adultes encore jeunes, dominent en nombre les femmes, souvent en petits groupes, avec leurs enfants. Ce n'est pas étonnant car au Japon ce sont les mères au foyer, avec un haut niveau d'éducation et habitant les grandes villes, qui constituent les groupes les plus actifs, pour ne pas dire activistes, concernant la défense de l'environnement, les luttes contre les pollutions industrielles, la promotion de l'agriculture biologique ou les mouvements antinucléaires.
Parmi les participants, je remarque de très nombreux syndicats ou associations de médecins, repérables à leurs bannières. Des groupes d'agriculteurs aussi, des syndicats divers, des militants pour la création d'un parti vert mais les médecins sont visiblement montés au créneau en nombre. 


La référence à Hiroshima est parfois faite mais surtout un lien est établi entre l'abandon du nucléaire et le maintien de l'article 9 de la Constitution qui inscrit le renoncement à jamais à la guerre ou à la force. Cet article pacifiste qui caractérise la Constitution dont le Japon s'est doté après guerre, est menacé régulièrement par divers gouvernements qui souhaitent pouvoir déployer des forces armées sur des terrains extérieurs. Le premier ministre ultralibéral Koizumi (de 2001 à 2006) a failli arriver à cette fin pour envoyer des troupes combattantes dans le conflit en Irak aux cotés des Américains. L'abrogation de cet article, même au sein du PLD (parti libéral démocrate, droite) soulève des résistances. De nombreux Japonais montrent un véritable attachement à cette spécificité constitutionnelle, alors que le Japon entretient des litiges territoriaux avec ses trois voisins (Russie, Chine et Corée). 
Bref, de nombreux slogans peints ou écrits réunissent le non au nucléaire et le oui à la paix.






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