« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

mercredi 30 avril 2014

Une nouvelle variété de plante découverte... 皇居にある植物の新種

Une nouvelle variété d'anémone vient d'être découverte par une équipe de botanistes au sein des jardins du Palais impérial qui se trouve au centre exact de Tokyo.

Au milieu de l'enceinte impériale qui représente quelque 115 hectares dans un périmètre de 6 km, se trouve une aire de 25 hectares laissée à son évolution spontanée, nommée Fukiage.
A l'époque d'Edo, c'était un jardin d'agrément attenant à une résidence. A la suite du grand incendie de Meireki en 1657, dans lequel une grande partie de la ville nouvellement bâtie partit en fumée ainsi que le château du shogun qui venait d'être reconstruit, il fut décidé de réserver cet endroit en tant que bois coupe-feu. Les arbres y sont donc très vieux, certains ont 300 ou 400 ans, autour d'une source qui forme un étang, d'où le nom de Fukiage, Jaillissement.
Page de la NHK qui présente l'information avec une vidéo.

L'empereur s'est réjoui de cette nouvelle, lui qui conscient de l’intérêt et de la qualité exceptionnelle de l’environnement à l’intérieur de l’enceinte du palais, a pris l’initiative en 1996 de l’ouvrir à un groupe de chercheurs afin d'effectuer des inventaires de la faune et de la flore. 3 638 espèces d’animaux et 1 366 espèces de plantes ont été répertoriés (plus une !), leurs évolutions et patrimoines génétiques font l’objet d’études. La nouvelle anémone s'appelle donc en japonais fukiage nirinsô フキアゲニリンソウ, le nom botanique doit être Anemone flaccida var Fukiage. Elle fait 40 à 50 cm de hauteur, et sa fleur blanche s'incline lorsqu'il pleut. Le "centre vide" tel que Roland Barthes avait qualifié le Palais impérial dans son livre L'empire des signes tellement sa nature lui semblait insaisissable se révèle plutôt très habité et bien vivant.

D’abord centre du pouvoir réel puis symbolique, enceinte interdite et sacrée, le site du château d’Edo devenu palais impérial est en train de se transformer en sanctuaire écologique. Du rôle de garant sacré de la prospérité et de la fertilité du pays (l’empereur conduit toujours chaque année des rites agraires de repiquage et de récolte du riz), puis symbole de la nation, la figure de l’empereur se convertit en témoin et veilleur de la biodiversité du territoire. Depuis l’époque Taishô (1912-1926), il est de tradition que les membres de la famille impériale se consacrent à l’étude des sciences naturelles, censées éviter les sujets polémiques ou risqués ayant trait à l’histoire nationale. Cependant, dans le monde actuel où la question environnementale devient primordiale avec des implications politiques croissantes, la conduite de l’empereur prend une signification d’engagement dans le champ social. Comme quoi, il est difficile d’échapper à la mise en perspective historique de ses actes, surtout si on est empereur.

Sur ce même sujet de la nature en ville, la chaîne Arte diffuse une série de documentaire Naturopolis, à partir de vendredi 2 mai (Rio de Janeiro), le vendredi 9 mai (New York), le vendredi 16 mai (Paris) et le vendredi 23 mai (Tokyo) pour lequel j'ai "fait du conseil" auprès des réalisateurs.
Pour plus de renseignements, voir sur le site d'Arte le lien suivant.


4 commentaires:

  1. Bonjour,

    Quelle belle biodiversité urbaine ! Au nord de ces jardins, les douves du Palais (chidorigafuchi) renferment également de belles espèces, dont certaines protégées comme une mousse lumineuse par exemple.

    J'avais également vu ce reportage sur la NHK. Selon le chercheur interviewé, il est fort probable que cette plante ait été offerte un jour à l'empereur, ce qui expliquerait sa présence à Tokyo.

    Petite précision : les chiffres évoqués (3 638 espèces d’animaux et 1 366 espèces de plantes) semblent être issus de la campagne de recherche menée entre 1996 et 2000. Une autre campagne a été menée entre 2001 et 2005, durant laquelle de nombreuses autres espèces ont été recensées : 6 espèces supplémentaires, rien que pour les libellules, par exemple. (Le terme espèces 種 semble d'ailleurs ici à prendre au sens large, c'est-à-dire incluant les sous-espèces, variétés et formes.)

    Merci pour le lien vers le site d'Arte. A noter un récent article de P. Pons dans M le Magazine intitulé "Tokyo, d'âme nature", paru le 12 avril.

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  2. Beau nom pour ce jardin. Que le domaine impérial donne l'exemple en ce qui concerne la protection de la nature et de la biodiversité est réjouissant.
    Merci pour l'annonce des émissions sur Arte, c'est noté. J'ai visité la semaine dernière un beau jardin japonais en Flandre, aménagé dans le cadre du jumelage entre les villes d'Hasselt et d'Itami il y a plus de vingt ans.

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    1. Excellente émission sur Tokyo, encore merci pour le lien.

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