A l'âge de 13 ans, il va de Tokyo à Kagoshima à l'extrême sud du Japon par un train omnibus en plus de 50 heures.
A l'âge de 24 ans, avec sa compagne il part en Inde et va jusqu'en Grèce en un voyage de 500 jours, où dit-il, tout est toujours différent, intéressant, à chaque moment, un jour comme un an.
Lors de ce périple, il commence à ramasser des pincées de terre qu'il colle sur des cartes postales envoyées à ses amis.
A son retour, il se rend compte que le Japon est tout aussi intéressant, même juste autour de chez lui, et que se trouvent partout les mêmes questions et points communs.
La terre, dit-il, pendant longtemps il ne la voyait pas, car en général nous n'avons pas conscience de sa valeur, mais à force de contacts sensoriels, visuels, tactiles, ... en la parcourant, la terre lui a appris qu'il faisait partie du monde et de la nature.
Une pincée de terre, dit-il, c'est un fragment de notre planète, constitué de minéraux, d'organismes végétaux et animaux qui sous l'action du vent, de la pluie, pendant des siècles, se sont transformés. Les couleurs, les textures changent en fonction des éléments fondamentaux de l'univers. Un peu de terre contient donc une totalité de la matière et des temps. Prendre une poignée de terre c'est saisir en sa main le cosmos.
Kurita parle d'une révélation et d'un émerveillement, suivi d'un désir de transmettre la diversité du monde à travers la beauté et la valeur de la terre.
Son moyen ? Présenter les terres telles quelles, les montrer de façon directe et simple, suivant sa propre expérience.
Installation à l'abbaye de Maubuisson |
Kurita établit des règles de collecte, toujours les mêmes, afin de déranger le moins possible le milieu. Il repère d'abord les lieux de ramassage avec les toponymes inscrits sur une carte puis ensuite notés sur le sachet avec la date. Il ramasse toujours la même petite quantité prise en surface, au bord des champs, des chemins ou des ruisseaux car c'est la terre des lieux habités par les humains que Kurita collecte.
Collection de terres, catalogue |
Depuis 2004, Kurita est invité régulièrement en France où il fait aussi des collectes autour de ses lieux de résidences, région Poitou-Charente et région parisienne.
L'été 2014, il a réalisé quatre installations dans les vestiges de l'abbaye de Maubuisson, près de Pontoise, intitulées "mille terres mille vies".
Dans la salle du Parloir, il a posé au ras du sol en un cercle chromatique 108 coupelles contenant des terres du Japon mélangées avec de l'eau. A chaque coupelle, une nuance de couleur et un motif de craquelure.
Salle du Parloir, 108 coupelles de terres du Japon |
Salle du Chapitre, 365 flacons de terre du Poitou-Charente |
Salle des Religieuses, terres de la région de Maubuisson |
La dernière installation, dans une petite pièce fermée d'une porte, n'est accessible qu'à deux personnes à la fois. Sur un socle, sous une cloche de verre, un seul flacon, muséifié par une mise en scène précieuse.
Innocence |
Cette terre a été ramassée avant le séisme, le tsunami et l'accident nucléaire, dans le village de Iitate aujourd'hui évacué, qui se trouve dans la zone interdite autour de la centrale de Fukushima.
Pour Kurita, le mot innocence est très ample et renvoie à de nombreux termes japonais mujaki 無邪気, mubôbi 無防備, muku 無垢, mujitsu 無実, muzai 無罪.
Voici une vidéo de 14 minutes montrant la ritualité et la rigueur, la délicatesse et la minutie qui imprègnent la façon de procéder de Kurita, depuis la collecte extérieure (très belles photos de paysages prises par sa compagne-assistante-qu'on-ne-voit-jamais-comme-d'hab) jusqu'aux gestes et positions du corps pour la mise en place finale, avec les différentes étapes de préparation de la terre. D'une idée très simple, Kurita Kôichi a construit tout un procès extrêmement sophistiqué et contemplatif, mais d'une grande proximité.
Images d'un livre pour les enfants écrit par Kurita Kôichi, découvrez et faites-le vous-même |