Neurowear a mis au point sur le même principe une queue, ça s'appelle shippo, (qui veut dire queue ; de chat, là j'avoue un gros fantasme...), elle n'est pas encore mise en vente mais on peut juger de l'effet sur cette vidéo :
Ces accessoires kitschissimes nous révèleraient-ils que le fantasme de la femme-chatte serait universel, au moins bien partagé, avec la variante kawaii (mignonne) au Japon ?
On pense à Catwoman apparue dans le comic américain Batman en 1940, qui de justicière féministe défendant des prostituées dérive vers l'érotisme fétichiste avec masque et cuir moulant noirs dans les films récents. Neurowear nous propose plutôt une lolita-chatte, tout un programme.
Avant l'apparition des accessoires Neurowear, une nekomimi est un personnage, en général féminin, de manga, de dessin animé ou de jeu vidéo avec des oreilles, une queue de chat, et aussi une gestuelle particulière pour évoquer de la main les mouvements de la patte du chat. Et qui s'exprime avec force nya ou myû, onomatopées félines en japonais. Les attributs de chat n'apparaissent qu'épisodiquement, révélant le caractère surnaturel du personnage. Ceux-ci apparaissent dans les années 70 avec leur graphisme reconnaissable, et assez vite (tout de suite ?) des versions porn apparaissent.
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Nekomimi entre la lolita-maid et la collégienne... 猫耳 (^.^) |
En dehors du Japon, dans les années 70, plus soft, la comédie musicale américaine Cats connaît un énorme succès, et elle est toujours jouée à Tokyo ; on pense aussi à des films de Disney comme "Les Aristochats" dans la même veine. Et en France à l'énorme succès de la pièce "Peine de cœur d'une chatte anglaise" d'après une nouvelle... d'Honoré de Balzac qui se moquait des mœurs victoriennes. La chatte anglaise s'y fait dévergonder par un chat de gouttière, français évidemment.
Plus récemment, au Japon, la mode nekomimi a été réactivée par un groupe de chanteuses coréennes, lancées et même fabriquées par la vague de la K-pop. La K-pop, comme la balbutiante C-pop venue de Chine, sont des copier-coller de la J-pop, des clones carrément produits par des agences d'Etat qui repèrent, entraînent durement pendant plusieurs années des adolescents et des adolescentes pour former des groupes censés montrer une image positive et dynamique de leur pays, et ainsi valoriser l'ensemble de la production industrielle. C'est une application littérale et très utilitariste du concept américain de soft power (comment se construire une bonne image et élargir sa sphère d'influence dans le monde) mais ça marche !
Ce groupe coréen T-ara (prononcé ti-ala) de sept filles est très célèbre au Japon, et elles sont toujours habillées en nekomimi du type kawaii (mignon) sur les plateaux de télévision, avec les mains repliées devant la poitrine, mais leur clip se veut plus hot, leur apparence étant un mélange de lolita, nekomimi et cuir. Ce n'est pas tout à fait la même veine que les Pussy Riot russes.
Bo peep bo peep, on sent la chanson à texte, en voici la version japonaise :
En devanture ou à l'entrée de nombreux magasins au Japon, surtout les restaurants ou bars, se trouve un chat en faïence avec une patte levée, appelé maneki-neko, le chat qui invite (les clients à entrer, la bonne fortune). Il s'agit d'un chat porte-bonheur très populaire dans les boutiques (même à Paris dans certains magasins tenus par des Vietnamiens).
Plusieurs légendes racontent l'histoire du chat devenu porte-bonheur. Celle que j'ai entendue rapporte qu'un seigneur ou samurai important (le nom du personnage change suivant la ville ou le quartier où l'on se trouve) aurait vu un chat qui semblait l'appeler de la patte. Le guerrier, intrigué, suit le chat et ainsi évite la foudre qui s'abat ou bien un piège, et décide d'ériger un temple à l'endroit où le chat apparu lui a sauvé la vie.
Il semble que ces maneki-neko apparaissent dans les commerces assez récemment, à la toute fin de l'époque Edo ou même à l'époque Meiji (à partir de 1868). En fait, il remplacerait une statue phallique qui se trouvait à la porte des maisons de rendez-vous, ou bien à l'entrée des commerces tenues par d'anciennes prostituées ayant réussi à racheter leur liberté et ouvrant une gargote. Avec l'arrivée des Occidentaux alors en pleine période victorienne, le gouvernement japonais dut faire le ménage vite fait pour retirer et interdire toutes les sculptures phalliques (ou vulvaires) en pierre ou en bois qui se trouvaient à tous les coins de rue (au sens propre du terme).
Et quand on regarde certains maneki-neko, symboles de prospérité, de dos, on n'y voit pas forcément un chat...
D'autres chats connaissent un énorme succès au Japon.
Par exemple le personnage de Doraemon, chat-robot bleu sans oreilles (car une souris les lui a mangées quand il était petit d'où sa peur des rongeurs) qui vient du futur et aide un garçon pas très doué dans la vie (pour s'en sortir à l'école, à la maison, etc). D'abord manga, puis dessin animé, Doraemon accompagne l'enfance des jeunes Japonais depuis 1969, et même au-delà du Japon. Je me souviens d'un Doraemon parlant portugais aperçu à la télévision.
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Doraemon et les personnages principaux de l'histoire... ドラえもん |
L'acteur Jean Reno, populaire au Japon, a tourné une série de films publicitaires pour Toyota, déguisé en Doraemon. On retrouve les mêmes personnages jeunes adultes, à l'âge de 30 ans. Et le garçon Nobita, toujours aussi empoté, a besoin de Doraemon pour l'aider à avoir ses chances auprès de Shizuka, sa copine d'enfance dont il est éternellement amoureux.
Ce qui est intéressant c'est que cette série n'est pas pour promouvoir les modèles de Toyota mais... le permis de conduire. Ce qui sous-entend que les jeunes adultes japonais ne se bousculent pas pour passer le permis. Si les constructeurs veulent continuer à vendre des voitures, il faut déjà que les clients potentiels aient le permis de conduire.
A ne pas rater, Jean Reno en Doraemon :
Mais le chat japonais le plus célèbre dans le monde entier est une chatte présente sur un catalogue de 22 000 références. C'est bien sûr :
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Hello Kitty ! |
Hello Kitty va même à l'université Waseda ! |
Au Japon, la figure du chat est donc très riche, et le mignon glisse facilement vers l'érotisme.
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Sextoy Hello Kitty Vibrator, à l'origine fait pour se masser les épaules (mon œil), existe en rose ou rouge et blanc... アダルトグッズ (大人のおもちゃ) |
Merci pour toutes ce histoires de chat.
RépondreSupprimerLa belle-mère de mon fils a dit que j'étais un neko no shita (langue de chat si j'ai bien compris) parce que je n'aimais pas boire brûlant.
Nous raconteras-tu un jour l'histoire du hérisson que l'on trouve aussi beaucoup ? À l'entrée des maisons par exemple.
Voilà à peu près ce que j'aurai aimé prendre le temps de répondre aux blogueurs qui s'extasient sur l'inventivité nippone en terme de communication...
RépondreSupprimerOn pourrait aussi peut-être parler du chat de Natsume Sôseki "吾輩は猫である" qui pose sur la société à l'époque Meiji un regard acéré. Au début extérieur, l'auteur oublie parfois que son personnage principal est un chat dans la suite des aventures (en trois volumes), le regard devient parfois uniquement descriptif, relatant des conversations et situations d'une époque agitée par l'arrivée de la culture occidentale.
Une vieille dame rencontrée au détour d'une rue m'avait raconté sa version de l'histoire du Maneki-Neko :
Le chat d'un riche personnage, outré de constater les disparités liées à la répartition des richesses, décide de transférer une partie des trésors de son maître un vieux pêcheur. Ce dernier a alors constaté la venue régulière du chat lui apportant de quoi vivre plus dignement. L'habitude est prise, le pêcheur s'attache au chat et inversement. Mais un jour, le maître du chat voit celui-ci sortir avec quelques pièces. Il le tue lors de son retour. La semaine suivante, le pêcheur, ne voyant pas arriver son félin compagnon, comprend qu'il ne peut plus l'espérer et lui érige une stèle.
Baptiste
Bonjour et merci de vos commentaires.
RépondreSupprimerMoi aussi je suis nekojita,ou neko no shita, langue de chat, je ne peux manger ni boire trop chaud.
Une autre expression avec le mot neko me plaît bien : 猫の額ほど
comme un front de chat, l'équivalent de notre "grand comme un mouchoir de poche". Par exemple, on entend souvent qu'à Tokyo les terrains ou les jardins sont grands comme des fronts de chats, très petits.
Merci pour la légende sur le maneki neko, je ne connaissais pas cette version-là. Et pour la référence à "Je suis un chat" de Natsume Sôseki, où en effet, le chat narrateur sert de position d'observateur de son maître et des visiteurs.
A propos du "hérisson" devant les maisons, c'est sans doute un tanuki, une sorte de blaireau du Japon, en effet un autre animal populaire du bestiaire japonais.
Sylvie