Mercredi 14 mars, à la BULAC, bibliothèque universitaire des langues et civilisations, 65 rue des Grands Moulins, 75 013 Paris, de 18h00 à 19h30 à l'auditorium, a lieu une rencontre autour du thème :
La nature dans la ville japonaise. Carnet de voyage …
Avec Aleksi Cavaillez, illustrateur et vidéaste, et moi-même en tant qu'architecte et chercheur à l’Université de Waseda à Tokyo.
Voici un résumé de mon intervention :
La nature à Tokyo, des lieux, des saisons et des
pratiques
L’histoire
urbaine japonaise nous incite à décentrer notre regard pour voir comment la
conception et la perception de la nature existent ailleurs et constater que la beauté peut être autre que celles des formes canoniques de la ville
occidentale.
« La nature, fondement de la conception du
monde au Japon, n’est pas la nature telle quelle, nue. C’est une nature qui a
été cultivée tout au long de l’histoire, depuis les temps préhistoriques. Cette
conception de la nature a formé le pays entier comme produit d’une
civilisation, et la ville en a
représenté l’apogée. » écrit Kawazoe Noboru, historien de la ville et
de l’architecture. Il se réfère plus précisément à Edo, capitale politique à
partir de 1603, dont la population a atteint un million et demi d’habitants à partir du
XVIIIe siècle et qui a véritablement matérialisé une idée spécifique de la nature.
L’esthétique paysagère qui s’y est construite et diffusée, est liée à de multiples pratiques sociales qui forment toute
une « urbanité en actes ». Basée sur une minutieuse observation du
monde matériel et sa perception sensible, l’appréciation de la nature,
c'est-à-dire d’une infinité d’éléments, de phénomènes en perpétuels changements,
a structuré la vie des
habitants selon le rythme des saisons.
A partir de
la fin du XIXe siècle jusqu’aux années 70, les ressources naturelles de Tokyo
se sont fortement dégradées. Malgré tout, on peut toujours observer la
permanence du cours de la nature dans l’espace urbain et la vie sociale. De
nombreuses pratiques, collectives ou individuelles, continuent de se dérouler
suivant un calendrier d’événements saisonniers bien connus de tous, et ces
conduites ne se réduisent pas à de simples habitudes ou à un folklore. Elles se réfèrent à des symboles, des
valeurs, esthétiques notamment, et les transmettent. A travers ces pratiques
rituelles, les citadins partagent et conservent une forte intimité avec de
nombreux phénomènes naturels même dans une vaste région urbanisée comme celle
de Tokyo. Dans la ville actuelle, la reconquête de la qualité de
l’environnement et des paysages engagés par de multiples mouvements d’habitants
est aussi une forme de réappropriation de l’espace public.
Dans un
contexte de ville diffuse, étalée, qui se généralise, le cas de la ville
japonaise peut être considéré comme une ouverture pour penser différemment le
beau et le bien-être dans la ville.