« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

samedi 17 janvier 2015

Piketty arrive au Japon... ピケテイの著作は日本に着いた

Vue hier dans une librairie de Tokyo, la traduction de l'ouvrage de Thomas Piketty "Le capital au XXIème siècle". Celle-ci a nécessité le travail de trois traducteurs dont un économiste, mais semble-t-il à partir de la version anglaise et non de l'original en français. Dommage quand même ! Pourtant, le titre apparaît en français en lettres... d'argent.
Ce livre est sorti le 8 décembre 2014 et il en est déjà à sa septième réimpression au 15 janvier 2015.

Il est déjà accompagné d'une exégèse, écrite par une journaliste économique Takenobu Mieko, "Introduction à Piketty. Lire 'Le capital au XXIème siècle'" avec en bandeau : "Une sonnerie d'alarme pour une société japonaise différente. Que devons-nous apprendre du best-seller qui a fait trembler le monde ?". 
Enfin, trembler, pas trop j'espère. Il y a juste 20 ans, le 17 janvier 1995, à 6 heures du matin, Kôbe tremblait pour de vrai.

Et Thomas Piketty vient au Japon en personne pour une série de conférences à la fin de ce mois de janvier.

Ciel de crépuscule hivernal à Iidabashi... 飯田橋の一月の夕焼け

Mise à jour au 31 janvier 2015 : hier soir, conférence de Thomas Piketty à la Maison franco-japonaise de Tokyo. Salle archicomble, du monde à tous les étages devant des écrans. Et la conférence commence... en anglais.
Piketty a débuté par longuement apologize (s'excuser) de faire cette conférence en anglais alors que des francophones étaient peut-être venus (ben oui quand même), mais il souhaite, dit-il, avoir une plus large audience.
Sauf qu'une traduction simultanée a été prévue, anglais/ japonais et vice-versa et que tous les Japonais présents étaient pourvus de leurs écouteurs, car peu anglophones.
En l'absence de traduction, il est logique qu'une conférence se fasse en anglais, langue de communication la plus partagée actuellement.
Mais comme une traduction simultanée était prévue, le français avait tout à fait sa place, non ? Dommage quand même.

Le principal point retenu par les médias japonais lors de cette conférence : Piketty ne soutient pas la hausse de la TVA prévue par le gouvernement Abe qui l'a déjà faite passer de 5 à 8% l'an dernier avant d'arriver à 10%, voir 12% (au printemps sans doute). Cette hausse est soi-disant justifiée par le coût du vieillissement de la population. 
Pour Piketty, la voie est la taxation des revenus élevés, des très riches et de ceux qui héritent, mais pas la TVA.
Lorsque je suis arrivée au Japon en 1988, il n'y avait pas de TVA, le premier taux de 3% a été introduit dans les années 90 sur pression des pays occidentaux, USA en tête, qui promouvaient cette forme de taxe "moderne", son absence au Japon étant une marque d'archaïsme. Moderne peut-être, mais d'abord injuste.

Complément: Thomas Piketty est resté trois jours quatre nuits au Japon, pendant lesquels il a fait 3 conférences et répondu à 14 interviews, dont certaines pour des émissions de télévision d'une demi-heure ou plus. En un mois au Japon, il a vendu 130 000 exemplaires de son ouvrage, en deux mois, plus qu'en deux ans en France. La question des inégalités qui se creusent dans une société fondée pendant des décennies sur une forme d'égalitarisme revendiquée touche en plein dans le mille.
 

dimanche 11 janvier 2015

"Amis bien aimés, 大好きなお友達

« Amis bien aimés,

Ma Loulou est partie pour le pays de l'envers du décor, un homme lui a donné neuf coups de poignard dans sa peau douce.  

C'est la société qui est malade, il nous faut la remettre d'aplomb et d'équerre, par l'amour et la persuasion. 

C'est l'histoire de mon petit amour à moi arrêté sur le seuil de ses 33 ans. 

Ne perdons pas courage ni vous ni moi.  

Je vais continuer ma vie et mes voyages avec ce poids à porter en plus et nos deux chéris qui lui ressemblent. Sans vous commander, je vous demande d'aimer plus que jamais ceux qui vous sont proches. 

Le monde est une triste boutique, les cœurs purs doivent se mettre ensemble pour l'embellir,  
il faut reboiser l'âme humaine. 
Je resterai sur le pont,
 je resterai un jardinier, je cultiverai mes plantes de langage. 

A travers mes dires, vous retrouverez ma bien aimée, il n'est de vrai que l'amitié et l'amour. Je suis maintenant très loin au fond du panier des tristesses; on doit manger chacun, dit-on, un sac de charbon pour aller au paradis. Ah comme j'aimerais qu'il y ait un paradis, comme ce serait doux les retrouvailles... En attendant, à vous autres, mes amis d'ici-bas, face à ce qui m'arrive, je prends la liberté, moi qui ne suis qu'un histrion, qu'un batteur de planches, qu'un comédien qui fait du rêve avec du vent, 

je prends la liberté de vous écrire pour vous dire ce à quoi je pense aujourd'hui : je pense de toutes mes forces, qu'il faut s'aimer à tort et à travers. »

Julos Beaucarne, écrit la nuit du 2 au 3 février 1975 après le meurtre de sa femme par un déséquilibré. 

Reboiser l'âme humaine, voilà un beau programme pour 2015 
Parvis des droits de l'homme, Bordeaux, 10 janvier 2015, photo reçue de Christine Lévy