« Faire d'un événement, si petit soit-il, la chose la plus délicate du monde, le contraire de faire un drame, ou de faire une histoire. »

Gilles Deleuze, Dialogues

mardi 14 août 2012

Le tri des ordures à Tokyo, cauchemar des étrangers ? ... 東京でごみの分け方は外人の悪夢ですか?

Vendredi 8 août, je tombe un peu avant 7h du matin sur une chronique de France-Inter, L'actu loin de chez vous, consacrée ce matin-là au tri des déchets au Japon. Avec en direct de Tokyo, le directeur du bureau de l'AFP, Jacques Lhuillerie qui commente une note qu'il vient de  publier à ce sujet dans un blog de l'AFP, Making-of, les coulisses de l'information. Son billet est intitulé Moi et mes ordures: le cauchemar du "gaïjin".
Intriguée et intéressée, je tends l'oreille. Donc le tri des ordures à Tokyo serait "un casse-tête chinois", "un art exigeant et impitoyable, une "cérémonie" qui revient comme un mauvais rêve et peut carrément tourner au cauchemar pour le "gaijin" (l'étranger)".
Pourquoi cette situation cauchemardesque ? parce qu'au Japon on trie pour effectivement recycler alors que :
"le "tri sélectif" des ordures ménagères en Europe ? Une rigolade, Une promenade de santé, expédiée en deux temps trois mouvements: on jette un peu n’importe comment, et ils ramassent!"
Avignon, le 3 août 2012, ILS ramassent, les cartons avec les ordures ménagères... アヴィニョンのごみ収集、ダンボールと燃えるごみを全部まとめること
Sans doute un aveu du comportement de l'auteur mais ni tous les Européens, ni même tous les Français n'agissent ainsi. En tout cas, le chemin va encore être long pour arriver à un résultat probant en France en matière de recyclage. Bon courage ! Je comprends pourquoi la ville de Paris est obligée de faire des campagnes, non pas pour un tri intelligent mais pour demander aux habitants de ne pas balancer leur frigo dans la rue !


Campagne de la ville de Paris "Paris est notre environnement, protégeons-le !"... パリ市のキャンペーン「パリは私達の環境ですので守りましょう」
Pour le journaliste de l'AFP, ce qui ajoute un effet infernal à la complexité du tri au Japon, c'est que les éboueurs sont d'impitoyables contrôleurs, assistés dans cette tâche par les voisins qui n'ont rien de mieux à faire que de vérifier le contenu des sacs poubelles.
"Alors la première fois que j'ai déposé un sac devant chez moi avant de partir prendre le métro pour aller au bureau, non sans avoir vérifié que c'était bien LE jour pour CES déchets, j'étais aussi anxieux qu'en rendant ma copie après une interrogation de maths (...) Et le soir, durant tout le trajet du retour de Ginza (le quartier du bureau) jusqu'à Roppongi (mon quartier), une question obsédante me taraudait, le bout des doigts coincé entre les dents: ont-ils pris mon sac ? Ai-je raté mon examen de passage, mon rite initiatique obligatoire? Aurai-je un mot infâmant dans ma boîte ? 20 minutes à pied (...) Et là: plus de sac. Yessss! Jamais je n'aurais cru qu'une jour dans ma vie la  disparition d'un sac poubelle m'aurait procuré une telle joie, une si profonde satisfaction, idiotes de surcroît."
Pourquoi est-ce idiot d'être satisfait de respecter les règles du pays où l'on vit ? de participer à un effort collectif en matière de tri afin de récupérer des matières premières ? Car c'est ainsi que sont nommés les déchets recyclables.

On a compris, le billet use d'un ton volontairement très excessif et ironique pour faire rire, mais il véhicule en même temps pas mal d'idées et de stéréotypes lourdingues, même déplaisants : la société japonaise vit dans l'auto-contrôle, voire l'auto-flicage, (les "éboueurs-contrôleurs", le voisinage prêt à dénoncer), le Japon est surpeuplé d'où ces règles tatillonnes et débiles pour gérer au mieux les déchets et le reste.

Dans la pratique, c'est très simple. Le ramassage des déchets recyclables se fait une fois par semaine et concerne principalement le papier et le carton, le verre, le métal (canettes et boîtes) et les emballages en plastique propres (bouteilles, barquettes par exemple). Le reste est collecté deux fois par semaines. Et depuis quelques années, les incinérateurs de Tokyo sont capables d'ingurgiter tous les plastiques et toutes les matières sans produire de dioxine donc si on ne veut pas faire d'effort... on peut même tout jeter ensemble ! 

Juste une recommandation à M. Lhuillerie : laisser tomber l'aspirine, prendre une bière bien fraîche et lire Le Japon, idées reçues de Philippe Pelletier, Le cavalier bleu éditions, 2008 et réédité en 2012.


Le tri des déchets lors de hanami, fête des cerisiers, pour s'entraîner d'ici au printemps prochain... 来年の春までに花見のごみの分け方を練習しましょう



1 commentaire:

  1. De l'art de ne pas savoir lire. Je n'ai certes pas la profondeur et l'ancienneté de l'auteur de Sylvie B à propos du Japon, qui devrait au moins avoir la courtoisie de ne pas écorcher les noms, en l'occurrence. Elémentaire politesse. C'est donc avec beaucoup d'humilité que je m'exprime. Je ne vous en veux absolument pas de vos petites piques personnelles (par ex: "Sans doute un aveu du comportement de l'auteur", qu'en savez-vous?). Mais je vous assure que vous vous trompez totalement. Si vous n'étiez pas monté sur je ne sais quels chevaux, vous auriez compris que ce billet n'était pas dirigé contre les Japonais, bien au contraire, mais plutôt contre les occidentaux, grand pourvoyeurs et jeteurs d'ordures.
    Il faut parfois également être capable de sortir d'une lecture au premier degré ("Pourquoi est-ce idiot d'être satisfait de respecter les règles du pays où l'on vit ?"), alors que tout le monde a bien compris le sens de ma remarque sur ma joie "enfantine" d'avoir fait correctement mon premier sac.
    Et puis, si l'on veut recourir à l'humour pour mieux faire connaître une réalité, flatteuse de surcroît, libre à chacun.
    Enfin, Madame B, avant de vous quitter, en espérant avoir un jour le plaisir de vous voir à Tokyo, de grâce ne dénoncez pas trop vite chez les autres, les "stéréotypes lourdingues voire déplaisants" quand vous-même écrivez sur votre blog (à propos des onsen) "Les Japonais travaillent comme de petites fourmis, c'est bien connu". Oserai-je espérer que c'est au second degré, et finalement écrit avec le même humour et dans le même esprit que mes quelques commentaires? Bien à vous
    Jacques L

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