M. Saitô (son nom est écrit sur son casque) est vigile sur un important chantier en cours sur le campus de Waseda.
Sa tâche consiste à assurer la sécurité de l'interface entre le chantier et l'espace public. Concrètement, il s'agit pour lui de régler le flux des camions qui entrent et sortent débouchant à la fois sur la rue et l'entrée du campus. De façon générale, cette interface est extrêmement sécurisée au Japon par de nombreux balisages et d'aussi nombreux vigiles qui souvent ont pour principal travail de s'excuser du dérangement occasionné, même pour des travaux minimes.
Guérite de M. Saitô, avec le balai et la pelle pour ramasser la moindre aiguille de cèdre ou feuille de ginkgo, avec le bol de croquettes pour le chat du coin. |
Le chat qui a adopté M. Saitô et fait la sieste sous un camélia à côté de la guérite. |
Alors, afin d'agrémenter le temps passé sur place, M. Saitô fait des plantations.
Il a semé des graines de tournesols au printemps dernier pour avoir des fleurs en été, et cet hiver il a planté des oignons de tulipes pour voir fleurir l'arrivée du printemps.
M. Saitô pose avec ses tournesols en juillet |
La guérite en juillet |
Pour faire ses plantations, il jardine des coins de terre résiduels, au pied d'un arbre ou bien à l'entrée du chantier. Il fait ce que beaucoup d'habitants font devant leur maison s'ils n'ont pas de jardins : ils installent des pots de fleurs sur les trottoirs, et plantent aux pieds des arbres d'alignement. Certaines ruelles particulièrement plantées par les habitants deviennent de véritables allées jardinées.
M. Saitô arrose les tulipes en janvier |
Si l'on disait à M. Saitô qu'il agit en guerillero jardinier, il serait sans doute bien surpris. Comme quoi, dans la ville japonaise, la dichotomie public/privé qui conditionne si fortement notre espace urbain n'a pas la même prégnance ni la même signification.
Au temps linéaire de la progression du chantier, période qui s'achèvera avec la réception d'un bâtiment de 14 étages, au rythme circadien des jours qui s'enchaînent, à ces temps contraints, M. Saitô réintroduit le cycle des saisons. En ménageant un temps propre, celui du jardinage, de la croissance des plantes qu'il observe, de leur épanouissement, de leur succession, il s'offre la possibilité de donner une forme particulière à son lieu de travail, pourtant peu amène.
Guerillero M. Saitô ? Peut-être, poète assurément.
Bravo, M. Saito ! Je ne connaissais pas ce genre de guerilla bien sympathique et je note ce titre, merci.
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